Wednesday, June 30, 2010
Lumumba's Independence Day Speech 1960
LE DISCOURS DE LUMUMBA LE 30 JUIN 1960:
LA JOURNÉE DU 30 JUIN DISCOURS DE PATRICE LUMUMBA, PREMIER MINISTRE
Congolais et Congolaises, Combattants de l’indépendance aujourd’hui victorieux, Je vous
salue au nom du gouvernement congolais, A vous tous, mes amis, qui avez lutté sans
relâche à nos côtés, je vous demande de faire de ce 30 juin 1960 une date illustre que
vous garderez ineffaçablement gravée dans vos cœurs, une date dont vous enseignerez avec
fierté la signification à vos enfants, pour que ceux-ci à leur tour fassent connaître à
leurs fils et à leurs petits-fils l’histoire glorieuse de notre lutte pour la liberté.
Car cette indépendance du Congo, si elle est proclamée aujourd’hui dans l’entente avec la
Belgique, pays ami avec qui nous traitons d’égal à égal, nul Congolais digne de ce nom ne
pourra jamais oublier cependant que c’est par la lutte qu’elle a été conquise
(applaudissements), une lutte de tous les jours, une lutte ardente et idéaliste, une
lutte dans laquelle nous n’avons ménagé ni nos forces, ni nos privations, ni nos
souffrances, ni notre sang. Cette lutte, qui fut de larmes, de feu et de sang, nous en
sommes fiers jusqu’au plus profond de nous-mêmes, car ce fut une lutte noble et juste,
une lutte indispensable pour mettre fin à l’humiliant esclavage qui nous était imposé par
la force.
Ce que fut notre sort en 80 ans de régime colonialiste, nos blessures sont trop fraîches
et trop douloureuses encore pour que nous puissions les chasser de notre mémoire. Nous
avons connu le travail harassant, exigé en échange de salaires qui ne nous permettaient
ni de manger à notre faim, ni de nous vêtir ou nous loger décemment, ni d’élever nos
enfants comme des êtres chers. Nous avons connu les ironies, les insultes, les coups que
nous devions subir matin, midi et soir, parce que nous étions des nègres. Qui oubliera
qu’à un noir on disait "tu", non certes comme à un ami, mais parce que le
"vous" honorable était réservé aux seuls blancs? Nous avons connu que nos
terres furent spoliées au nom de textes prétendument légaux qui ne faisaient que
reconnaître le droit du plus fort.
Nous avons connu que la loi n’était jamais la même selon qu’il s’agissait d’un blanc ou
d’un noir: accommodante pour les uns, cruelle et inhumaine pour les autres. Nous avons
connu les souffrances atroces des relégués pour opinions politiques ou croyances
religieuses; exilés dans leur propre patrie, leur sort était vraiment pire que la mort
elle-même. Nous avons connu qu’il y avait dans les villes des maisons magnifiques pour
les blancs et des paillotes croulantes pour les noirs, qu’un noir n’était admis ni dans
les cinémas, ni dans les restaurants, ni dans les magasins dit européens; qu’un noir
voyageait à même la coque des péniches, aux pieds du blanc dans sa cabine de luxe.
Qui oubliera enfin les fusillades où périrent tant de nos frères, les cachots où furent
brutalement jetés ceux qui ne voulaient plus se soumettre au régime d’une justice
d’oppression et d’exploitation (applaudissements) (1).
Tout cela, mes frères, nous en avons profondément souffert. Mais tout cela aussi, nous
que le vote de vos représentants élus a agréés pour diriger notre cher pays, nous qui
avons souffert dans notre corps et dans notre cœur de l’oppression colonialiste, nous
vous le disons tout haut, tout cela est désormais fini. La République du Congo a été
proclamée et notre pays est maintenant entre les mains de ses propres enfants. Ensemble,
mes frères, mes sœurs, nous allons commencer une nouvelle lutte, une lutte sublime qui va
mener notre pays à la paix, à la prospérité et à la grandeur. Nous allons établir
ensemble la justice sociale et assurer que chacun reçoive la juste rémunération de son
travail (applaudissements).
Nous allons montrer au monde ce que peut faire l’homme noir quand il travaille dans la
liberté et nous allons faire du Congo le centre de rayonnement de l’Afrique tout entière.
Nous allons veiller à ce que les terres de notre patrie profitent véritablement à ses
enfants. Nous allons revoir toutes les lois d’autrefois et en faire de nouvelles qui
seront justes et nobles. Nous allons mettre fin à l’oppression de la pensée libre et
faire en sorte que tous les citoyens jouissent pleinement des libertés fondamentales
prévues dans la déclaration des Droits de l’Homme (applaudissements). Nous allons
supprimer efficacement toute discrimination quelle qu’elle soit et donner à chacun la
juste place que lui vaudra sa dignité humaine, son travail et son dévouement au pays.
Nous allons faire régner non pas la paix des fusils et des baïonnettes, mais la paix des
cœurs et des bonnes volontés (applaudissements).
Et pour tout cela, chers compatriotes, soyez sûrs que nous pourrons compter non seulement
sur nos forces énormes et nos richesses immenses, mais sur l’assistance de nombreux pays
étrangers dont nous accepterons la collaboration chaque fois qu’elle sera loyale et ne
cherchera pas à nous imposer une politique quelle qu’elle soit (applaudissements). Dans
ce domaine, la Belgique qui, comprenant enfin le sens de l’histoire, n’a pas essayé de
s’opposer à notre indépendance, est prête à nous accorder son aide et son amitié, et un
traité vient d’être signé dans ce sens entre nos deux pays égaux et indépendants. Cette
coopération, j’en suis sûr, sera profitable aux deux pays.
De notre côté, tout en restant vigilants, nous saurons respecter les engagements
librement consentis. Ainsi, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur, le Congo nouveau, notre
chère République que mon gouvernement va créer, sera un pays riche, libre et prospère.
Mais pour que nous arrivions sans retard à ce but, vous tous, législateurs et citoyens
congolais, je vous demande de m’aider de toutes vos forces. Je vous demande à tous
d’oublier les querelles tribales qui nous épuisent et risquent de nous faire mépriser à
l’étranger. Je demande à la minorité parlementaire d’aider mon gouvernement par une
opposition constructive et de rester strictement dans les voies légales et démocratiques.
Je vous demande à tous de ne reculer devant aucun sacrifice pour assurer la réussite de
notre grandiose entreprise. Je vous demande enfin de respecter inconditionnellement la
vie et les biens de vos concitoyens et des étrangers établis dans notre pays. Si la
conduite de ces étrangers laisse à désirer, notre justice sera prompte à les expulser du
territoire de la République; si par contre leur conduite est bonne, il faut les laisser
en paix, car eux aussi travaillent à la prospérité de notre pays. L’indépendance du Congo
marque un pas décisif vers la libération de tout le continent africain
(applaudissements).
Voilà, Sire, Excellences, Mesdames, Messieurs, mes chers compatriotes, mes frères de
race, mes frères de lutte, ce que j’ai voulu vous dire au nom du gouvernement en ce jour
magnifique de notre indépendance complète et souveraine (applaudissements). Notre
gouvernement fort, national, populaire, sera le salut de ce pays. J’invite tous les
citoyens congolais, hommes, femmes et enfants, à se mettre résolument au travail en vue
de créer une économie nationale prospère qui consacrera notre indépendance économique.
Hommage aux combattants de la liberté nationale ! Vice l’indépendance de l’Unité
africaine! Vive le Congo indépendant et souverain! (Applaudissements prolongés).
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